jeudi 14 août 2014

Démagogie, propagande, militantisme et éthique


“L’éthique, ça n’existe pas! »

Voilà, le superbe commentaire que me faisait un post-doc. Vous savez ces gens qui non seulement ont des études post-graduées (réussies) derrière la cravate, mais qui, parce qu’ils en sont capables, alignent les certifications et les accomplissements académiques comme on collectionne les vieilles tasses ou les « pinnes » des Nordiques. C’est aussi le genre que vous voyez commenter l’actualité dans les médias « sérieux » (la SRC en est friande), parce qu’ils détiendraient un point de vue éclairé sur la situation considérée. Parce qu’ils ont écrits sur le sujet et que les pairs se sont contentés d’un regard (ou d’un silence) approbateur, ils ont passé le rite initiatique qui, il y a encore peu de temps, leur donnerait le droit de parole, exclusif, et le titre de personne articulée. Le fait qu’on vive en démocratie et que la voix de chacun devrait être entendue (pour reprendre le slogan d’un contre-média) n’allait pas freiner la détermination des chefs de pupitre orthodoxes qui ne vont porter attention à quoi que ce soit hors du catalogue imprimatur du « clergé », celui qui a repris la business de nous dire quoi penser. Appelez-les les intellos, la gang du Plateau, l’intelligentsia, ou les assidus des Loges, en gros l’élite qui ne se dit pas.


Mais, j’avoue avoir profondément apprécié le dit commentaire, entre autre parce qu’il provenait d’un type, des plus sympathiques et allumés, fouteur de merde hilarant et iconoclaste expert, qui avait, effrontément, tous les droits de le faire parce qu’il travaillait sur un ouvrage épistémologique sur la question.

Ouch !

Ça part mal une réflexion sur la démagogie qui pourrait se justifier sur des bases éthiques, bases qui viennent de s’envoler, flap, flap, flap, avec un air désabusé. La propagande et le militantisme, vous le voyez immédiatement, sont donc en plein naufrage sur l’océan de la légitimité : comment faire flotter cette mécanique.

Cette semaine du 11 août, réquisitionnée comme il se doit par le Gay Pride, les LGBTs at large, la théorie du genre et tout ce beau monde qui se contredisent en fait l’un l’autre en termes d’argumentaire mais qui sont solidaire CONTRE les vestiges de l’orthodoxie judéo-chrétienne et l’horrible et répugnant concept de la famille hétérosexuelle, commence, malheureusement du point de vue marketing et communication, par une incommode suite de décès, au regard du Québec, ilot nord-américain de plein droit. L’Abbé Raymond Gravel, Robin Williams, Laureen Bacall (nulle autre que Mme Humphrey Bogart / Casablanca, copine de Marylin (LA Marilyn), héroïne de la lutte contre le Maccarthysme), voire d’autres. 

Ah! Les méfaits de la pleine lune ou de je ne sais quoi : les grands titres seront malheureusement ouverts à autre chose qu’à cette célébration rigide et coordonnée de « la différence » telle qu’on veut nous la vendre. Mauvaise saison pour la propagande.

Mais comme diraient Cass Sunstein, Rahm Emanuel et Saul Alinsky (qui sont très loin d’être des imbéciles), « never let a good crisis go to waste ! »

Ça, tout de suite, ça nous fait entrer dans le merveilleux monde du “spin”, l’art par excellence de la fin du XXe siècle. Présenter les faits (oui, quand même) en soulignant ceux qui nourrissent une perception, un concept (réel ou artificiel, pas problème) et en ignorant les autres, systématiquement. Ce n’est pas mentir, on pourrait dire, mais c’est vendre sa salade, sans scrupules. Car la bonne foi vient de prendre le bord, pas à peu près. Mais, si l’éthique est un concept vide et sans effet réel, où prendre la motivation pour ne pas le faire. De toute façon, répondra-t-on, tout le monde le fait …

Et c’est fascinant, alors, de suivre les commentaires des célébrités qu’on invite à rappeler le souvenir des disparus. On a eu de tout, j’avoue, et pas toujours dans l’orthodoxie antichrétienne (car il faut toujours trouver moyen maganer le christianisme, de près ou de loin, l’air de rien pendant qu’on parle d’autres choses … stratégie fine, incontournable et incessante du train média/institutionnel). 

Dans le cas de l’Abbé Gravel, on a du payer un minimum de respect à l’Évangile et à la personne du Christ, en habit quasi-Guévariste, mais quand même. Mais, voilà, ce qu’il fallait retenir semble-t-il, c’était l’urgence de la mise en application de la loi 52, appuyée par Gravel, et en particulier (essentiellement) l’injection létale, pratiquement présentée comme salvatrice et fondatrice. Or, Raymond Gravel a bénéficié, pour son cancer, de soins palliatifs, que tous réclament d’abord avant toute autre modification à l’offre de soins de fin de vie. Il est mort en paix. L’injection létale n’aurait pas eu d’utilité, là comme dans la loi, on aurait pu l’oublier. Mais voilà, la mort de l’Abbé Gravel, qui pourrait être vue comme la démonstration de l’inutilité (ou de la non-pertinence éthique et pratique …) du combat pour l’injection létale et le suicide assisté, devenait, dans les hommages de Véronique Hivon (la mère de la loi 52) et de d’autres intervenants auxquels on donnait une large place dans la couverture médiatique, au contraire l’occasion de rappeler l’urgence de donner le droit aux médecins de tuer les gens. D’ailleurs, malgré les propos tonitruants de ceux qui sont censés les représenter (on se croirait dans les syndicats ouvriers), eux les médecins et le personnel qui affronte quotidiennement la mort et la souffrance, ils n’en veulent pas. Faites un vrai sondage, vous verrez.

Du spin, incapable de la moindre honte ou du moindre respect.

Autre aspect, bien que Raymond Gravel prêchait pour qu’on ne condamne pas froidement les homosexuels (en particulier) et qu’on ne leur refuse pas les soins de l’Église (un comportement qui ressemble à celui de Jésus dans bien des cas, si on veut bien le voir), il avait fait clairement le choix de laisser ce milieu pour devenir prêtre. Il avait beau dire que 50% des curés pratiquent l’homosexualité, lorsqu’il a décidé ce qu’il ferait de sa vie, ce n’est pas la doctrine du Gay Pride qu’il a choisi de défendre. Notable, il me semble. Pour lui Jésus avait plus de potentiel pour aider quelqu’un à se sentir bien dans sa peau. Son coming-out c’est pour l’Évangile qu’il l’a fait, pas pour autre chose, dans ce XXIe siècle. C’était la base de son éthique.

Tiens, en voilà une base à l’éthique, …

Mais, ça, trouvez ça quelque part dans le discours de rééducation collective qu’on nous sert.

On lui a trouvé aussi des qualités de militant, se tenant « debout » contre certains énoncés de son église, catholique. Je sais qu’il était loin de voir d’un bon œil la croissance du protestantisme, évangélique en particulier, au Québec. Le bercail c’est le catholicisme, mais il critiquait vertement le cardinal Ouellet et ses sbires. De toutes façons, on saluait son courage, son intégrité, un exemple de ce que le catholicisme devrait être, loin des terrifiantes influences de la droite (voire de Stephen Harper lui-même, le Lucifer, le Grand Satan). Intéressant.

Si on doit admirer l’intégrité et le courage de se tenir debout, il faudrait peut-être lever son chapeau, un peu, devant tous ces défenseurs de la famille traditionnelle ou des droits des parents, concepts honnis et réprouvés (persécutés), qui se battent contre le MELS et ECR. Ou encore que dire de ceux qui défendent le droit du fœtus, des individus qu’on qualifie d’anti-choix et d’oppresseurs des femmes automatiquement, sans accepter de considérer le moindre élément de leur argumentaire. Combien y en-a-t-il de ces individus, de ces groupes, qui défendent des points de vue qui ne recueillent pas l’approbation de l’intelligentsia, qui les emmerdent visiblement ? Il y en a pas mal, qu’on exécute virtuellement sur la place publique, quotidiennement, par les propos des fonctionnaires institutionnels, des « anchormen » de service, des profs ou des directeurs de thèse. Par leur attitude seulement ils nous font comprendre clairement ce qu’on doit penser, où est « notre intérêt » si on veut participer à la fête sociale, avoir notre part de bénéfice sans tracas inutiles. Quand l’affiche « APPLAUDISSEZ» s’élève au bout des bras du préposé, sur l’ordre du réalisateur du show, t’es aussi bien d’y mettre de la conviction parce que ton chèque de paye est en jeu. Point final.

Efficace.

Éthique ?

Bah ! Qui s’en soucie … ?