samedi 17 octobre 2015

Pour ces deux là

Par Franc Laplante
17 octobre 2015

Ils sont probablement couchés. Le plus vieux ne doit pas dormir. Il dormira peu et mal. Son jeune frère ne comprend probablement pas vraiment. Il sommeille étrangement comme seul le peuvent les enfants encore incapable de croire que ce monde peut être cruel.

Ce sont 2 garçons, environ 4 et 7ans. 7 ans, c’est l’âge où j’ai vécu la même chose mais personne n’avait rien annoncé, j’ai compris difficilement sur l’espace de plusieurs semaines.

Comme des centaines d’enfants le vivront au Québec cette année, ce soir, leurs parents leurs annonçaient qu’ils se séparent. Papa ne vivra plus avec maman. Elle garde la maison, il s’en va. Ils le verront souvent, le plus souvent possible. Ça veut dire quoi, ils ne peuvent pas en avoir la moindre idée. Peut-être le plus vieux a des amis dans cette situation, lui, il voit venir sur lui des ombres, des images qui lui font peur.

Je devrais vous parler des élections de lundi, du sort, pathétique, du Canada, coincé entre la Bourse du Carbone, l’endettement débile qui fait saliver un fils à papa et le Partenariat Trans Pacifique (PTP) qui risque de saboter notre société. Oui, il va falloir que je vote pour Patof car Harper prend des risques trop grand à mon goût mais je sais que ni Mulcair, ni Justin ne pourront vraiment faire marche arrière sur le PTP. C’est le moins pire des scénarios, mais eux ils vont rajouter les autres parasites sur notre économie (dettes, et Bourse du Carbone), sans compter des changements sociaux délirants et irresponsables. Dans 10 ans, dans 15 ans, si personne ne rebrousse chemin, que nous restera-t-il ? Pendant que le climat, préoccupation bidon par excellence, sera tout aussi insensible à nos pauvres activités.

Mais voilà. Vous voterez. C’est déjà ça. Et je conserve des espoirs plutôt que d’accepter le désespoir. C’est un choix. C’est le mien.

Et ce sont des espoirs, malgré tout, que je voudrais transmettre à ces 2 jeunes garçons, au travers de l’espace temps.

Oui, bien sûr, je prie pour eux. J’y crois.

Mais je prie au milieu d’une colère sourde. Car ce déchirement est évitable. Il n’y a pas d’excuses.

Je sais que j’aurai sur le dos tous les bien-pensants de cette époque ridicule qui s’alimente à la rhétorique la plus faible et la plus gauche depuis des siècles. Ce siècle ne pense plus. Ceux qui lui donnent le ton sont des carcasses vides qui ne laissent même pas siffler le vent décemment. Les psys, les sociologues, les thérapeutes, les courriéristes du cœur et les spécialistes du comportement humain rejoindront les ténors des média, de l’entertainment et lady Gaga elle-même, pour défendre les victimes de ce drame! À leurs yeux, les victimes ce sont ces individus qui se séparent…  

Ah! Que leur bonheur est important. Ah! Que leur souffrance est grande ! Ah! Que pouvaient-ils faire, puisque tout était contre eux ?! Leur éducation. Leurs attentes devant la vie. Leur épanouissement comme homme ou femme. Leur libido. Leur estime d’eux-mêmes. Leur diète, leur santé reproductive, leur compte en banque ou bien sûr leur carrière. Ah! Pauvres eux. Ils ont tellement souffert. Et on le sait bien, des enfants ne peuvent pas être heureux dans un couple où on se dispute … Tant que le couple tient à se disputer, égoïstement, bien sûr …!

De toute façon toutes les études le montrent : le divorce ça ne pénalise pas les enfants. Refaites votre vie. Sortez vos ailes. Retournez au soleil. Ouais. Il y a des tonnes de gens qui font fortune à nous vendre cette pourriture.

J’ai été cet enfant de 7 ans, le plus vieux de 2 frères. Entourés de tout le bataclan, même dans ma famille il y allait avoir du support professionnel et humain, et une batterie de suivis de tout acabit pour me garder sain et fonctionnel. Aujourd’hui à 60 ans, je n’ai qu’une chose à dire : Bullshit!

Dans mon cas, mon père ne voulait rien savoir, ma mère aurait été prête à bien des choses pour garder notre famille ensemble. Ses propres frères et sœurs l’ont trahie, conduits par ces têtes brillantes, sociologues et consort. Mon père, un gars subtil, a gagné et a passé sa vie à essayer de nous convaincre que c’était inévitable. Mensonge. J’en suis convaincu.

Mais surtout, ce que je veux dire, c’est ce courant glacial, cette rivière froide, qui vous emporte au moment où vous réalisez ce qui arrive. Tout bascule. Tout. La beauté du monde, la chaleur de votre maison, qui meurt, à jamais. Ces deux individus, qui étaient vos parents, votre nid, votre fondement, votre assurance contre tout, votre promesse de vie et de bonheur, deviennent 2 individus incapables de vous protéger de quoi que ce soit. On ne voudra pas m’entendre, on jurera le contraire. Pourtant c’est l’inéluctable vérité. Je sais, ça vous enrage de lire de tels propos. Vous me passeriez au moulin à viande. Mais je vous le dis, c’est vous qui avez tort.

Car, ce que l’enfant réalise, rapidement comme un choc, c’est que ces matins où il voyait ses parents prendre leur café ensemble ou s’affairer tranquillement autour de la maison, ces petites sorties simples, au dépanneur ou dans la parenté ou au cinéma ou au parc, ces Noël ou ils étaient tous ensemble à regarder la neige qui tombait dehors par la fenêtre, ces matins d’été où on se chicanait dans l’auto en partant en vacances, tous ces moments de proximité qui disaient doucement ce qu’était la vie et ce qu’elle pouvait être de bon, tous ces moments sont des trésors perdus, inaccessibles, à jamais. Ils n’ont pas de prix. Ils ne peuvent pas être remplacés. Ils ne le seront pas, d’aucune façon, peut importe les efforts et l’argent que vous y mettrez. 

Vous venez, vous les parents, de tout gâcher. C’est votre choix, c’est votre faute, ce sera votre fardeau.

Et le leur, à ces enfants, ce sera de lutter, s’ils le choisissent, pour croire que l’existence n’est pas perfide et trompeuse, qu’elle peut être autre chose que cruelle, sans pitié.

Ou peut-être seront-ils comme moi, au début de l’âge adulte, désabusé de tout, incrédule devant tout, démotivé devant tout, riant macabrement devant l’absurdité de l’existence mais surtout de ce que leur société m’offrait comme perspective : être le meilleur, pour absolument aucune raison, au milieu du hasard le plus brutal qui soit et pour disparaître finalement dans l’indifférence universelle. C’était logique.

Et je vous en passe un papier, je savais comment avoir l’air « normal », il fallait m’adapter car on me mitonnait de psychosociologie et d’encadrement (ça crée bien des jobs) à en vomir. Je connaissais mon script et j’étais bon là-dedans. J’étais une véritable petite réussite et j’ai sûrement figuré à ce titre dans leurs statistiques et leurs rapports enthousiastes où ils s’auto congratulaient de leur stupéfiante maîtrise de l’esprit humain. Moi, j’étais caché, loin, profondément derrière des forteresses d’artifices et de petits tours de chiens de cirque, réagissant au quart de tour faisant croire à la plus pure spontanéité. On m’avait laissé seul. Personne ne pouvait plus me rejoindre. Et ce que j’allais faire de ma vie, ha, ça pouvait tourner sur un dix cennes, ça n’avait plus la moindre importance.

Comment je me suis rendu à 60 ans ? Simple.

J’ai fini par comprendre qu’ils avaient torts, que c’était le risque et la conséquence de la liberté humaine, soit détruire celle des autres. J’ai fini par voir par un véritable miracle, que la beauté du monde venait d’ailleurs, d’un vrai Père, qui Lui ne me lâcherait jamais. Et Il a tenu parole, que ça vous enrage ou non. Il a tenu parole.

Mais vous, ici, qui croyez « assumer » vos décisions et « agir rationnellement », je vous assure que peu importe ce que vous direz, peu importe ce que vous promettrez à ces enfants que vous trahissez ou à vous-mêmes, c’est eux qui vont payer. Et vous, pauvres fous, vous n’obtiendrez rien de que vous pensez retrouver ou gagner.

Probablement qu’aucun de vos proches ne vous dirait ça en face. Ils vont probablement vous dire ce que vous voulez entendre et en fait vous mentir en pleine face, parce que beaucoup savent très bien que ce que j’écris ici est vrai.

Je vous le garantis, on ne rebâtis pas sa vie. C’est faux. Les investissements que vous avez faits, ces années passées à bâtir une famille, ne pourront jamais être repris, réinvestis ailleurs. En vérité, c’est comme ça. Le mieux c’est de les faire fructifier à l’endroit où ils ont été faits : dans ce couple que vous sabordez.

Et eux, les enfants, vous voulez croire que vous ne voulez pas les faire souffrir mais vous savez qu’ils vont payer le gros prix. Votre confiance en la vie, c’est peut-être vos parents qui vous l’ont donné et vous leur refusez ce don irremplaçable. Peut-être aussi avez-vous grandi dans une famille brisée (c’est le mot), alors vous devriez savoir ce que vous leur arrachez du cœur. Voulez-vous vous venger ? Est-ce à eux de payer ? Même s’il n’y avait qu’eux qui puisse être heureux et que vous deviez en pâtir, laissez-moi vous dire que votre bonheur à vous il serait là, à rester debout, rester un parent et une famille, pour eux.

La famille, le couple, ça n’a jamais été pensé pour donner un lit légal à nos chers accouplements. Une grange passagère suffit ou la banquette arrière d’une minoune … ! La famille ça existe pour eux, les enfants. Pour leur apprendre la vie et le bonheur. Pour leur donner cette capacité d’être heureux et de penser correctement. Rien ne peut remplacer ça.

« Ça prend un village pour élever un enfant … » Ouais. C’est pour ça qu’on les retrouve dans les vidanges ou gelés sur des perrons. Ben efficace le village !

Pendant que la famille, simple et efficace, son véritable succès ne souffre ni de la pauvreté, de quelques engeulades ou de quelques imperfections que nous aurions. Ça fait parti du menu, ce n’est pas l’important. L’important, c’est que vous vous teniez debout pour eux et que vous aimiez le conjoint que vous avez choisi et qui est l’autre parent. Vous êtes unis : Aimez-vous !

La phrase la plus lugubre et la plus sinistre que j’ai entendu : « Je ne t’aimes plus. Je ne t’ai jamais aimé ». C’est un « Cut and Paste » dans tous les dossiers de divorce. Quelle merde !

Si quelqu’un vous dis ça, vous pouvez être sûr d’une chose : il ment.

Pensez-y bien. Et peut-être réfléchissez sur cette idée que l’amour c’est un acte, un engagement plus qu’une émotion, une attention et surtout le respect profond et sincère que vous devez à votre conjoint. Le jour où vous cessez de respecter votre conjoint, c’est le jour où vous commencez à avoir tort. Vous bâtirez alors un château de carte dans votre tête qui vous conduira à tourner le dos à votre propre bonheur. J’ai bien de la misère à croire que quelqu’un peut choisir d’avoir des enfants avec quelqu’un sans aimer l’autre. Et aujourd’hui, on choisit d’avoir des enfants, les exceptions sont rares.

Oui, il y a la violence conjugale, les individus méchants, trompeurs, violents, malhonnêtes. Ça, c’est autre chose et ce n’est pas si fréquent, mais bien sûr c’est intolérable et je crois que les enfants dans ces situations vivent alors déjà un traumatisme profond, les sortir de là est ce qu’il y a de mieux. Mais pour 98% des divorces au Québec, les conjoints vont se retrouver sur les sites de rencontres dans le temps de le dire et se présenter comme des gens aimables et équilibrés. Ce qu’ils sont. Tous les deux.

Alors, pourquoi cette mascarade d’inévitabilité. Cessez cette querelle futile et cruelle. Soyez des adultes responsables et surtout protégez vaillamment le bonheur de vos enfants. C’est ce que vous pouvez leur donner de plus précieux. C’est irremplaçable. Personne d’autre que vous ne peut le faire.

Et je vous le dis, à la fin de votre vie vous verrez :
« ….l’important c’est pas ce qui reste
c’est ce que l’on a donné. »

Franc Laplante

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